Conférence sur l’Icône
Christ archeiropoiete (Non fait de main d’homme)
Le sens de l’ icône, une aide pour ouvrir notre regard sur le monde
Présentation EDC du 18 Septembre 2008
L’ intérêt récent de l’ Occident pour l’ icône peut être analysé sous différents aspects depuis la curiosité, en passant par l’ émotion esthétique, voire la sympathie religieuse ou la perception d’ un manque ; mais – je cite L. Ouspensky – « l’ icône ne se perçoit bien que dans un contexte liturgique et théologique et il ajoute : même sans être informé des luttes et conciles qui ont protégé et défendu les icônes, il est nécessaire de réaliser que l’ icône s’ enracine avant tout dans le mystère central de l’ Incarnation de Dieu qui devient homme pour que l’ homme devienne Dieu, sinon nous n’ aurons qu’ une approche distraite ou esthétique de l’ icône, alors que l’ icône est un Evangile par l’ Image, tout comme la Bible est l’ Evangile par la Parole » …
Je viens de citer Léonide Ouspensky qui est un Russe immigré en France vers 1920 et il est devenu en Occident la référence dans l’ enseignement de l’ icône, car il a montré et expliqué l’ unité indivisible de la théologie et de l’ icône – voir son livre La théologie de l’ icône CERF, tout comme son ami Wladimir Lossky a témoigné de l’ unité de la théologie et de la mystique.
Le mot icône est d’ origine grecque : eikön qui signifie image et par ce mot, on désignait au début du christianisme, toute représentation du Christ, de la Vierge Marie, d’ un Ange, d’ un Saint ou d’ un événement de l’ Evangile que cette image soit peinte ou sculptée ou en fresque.
Dés l’ origine, il y a des discussions et luttes, en particulier par l’ influence Juive très présente au début du Christianisme qui refuse toute représentation de Dieu et ces luttes deviendront particulièrement fortes aux 7ième et 8ième siècles quand le pouvoir impérial de Constantinople s’ en mêlera ; mais ces luttes permettront justement d’ affiner et d’ affirmer, à travers plusieurs conciles, la base théologique de l’ icône, cette base étant toujours celle de l’ Incarnation du Christ, Dieu devenu homme, Dieu invisible devenu visible.
Dés les catacombes, on a retrouvé des fresques dans les lieux de culte et d’ assemblée des fidèles, ainsi que de nombreuses images sur des vases sacrés et des sarcophages et ces nombreux témoignages des trois premiers siècles du Christianisme montrent qu’ il n’ y avait pas d’ opposition de l’ Eglise à l’ utilisation de l’ art pour aider à la vénération et à la prière adressée à Dieu, à la Vierge Marie et aux Saints mais toute la question autour de l’ icône sera toujours de bien distinguer dans l’ Eglise la différence, la frontière entre icône et idole et cette vigilance reste permanente.
1ère méditation : nous pouvons nous poser la même question dans notre monde d’ aujourd’hui ou les images sont souvent utilisées ou associées à une recherche idolâtrique , que ce soit de la jouissance, de la possession ou du pouvoir- quelle est notre vigilance par rapport à ce pouvoir de l’ image et à cette frontière à trouver entre image et idole ?
En fait, on peut dire que l’ icône a suivi le même chemin que la théologie, cad la difficulté pour l’ homme d’ accepter, d’ assimiler et d’ exprimer ce qui nous dépasse : un Dieu qui se fait homme, un Dieu qui est crucifié : scandale pour les uns, folie pour les autres ; et nous voyons combien les nombreuses déviations et hérésies ont obligé les chrétiens et les Pères de l’ Eglise à approfondir et affiner l’ expression de leur foi dans la succession des différents conciles – il en sera de même pour l’ expression de l’ icône qui fera l’ objet de luttes acharnées, passant par des périodes de destruction des icônes et de persécutions sanglantes pour finalement affirmer le vrai contenu de la foi par la Parole et par l’ Image et passer progressivement des symboles primitifs, par épurations successives de la conscience vers le caractère sacré de l’ Image.
L’ Image est donc propre à la nature même du Christianisme car le Christianisme est la Révélation non seulement du Verbe de Dieu ( 2ième personne de la Trinité ) mais aussi Révélation de l’ Image de Dieu manifestée par le Dieu – homme qui a dit « Qui Me voit, voit le Père »
- Non représentation de Dieu dans l’ Ancien Testament
L’ interdiction faite par Dieu de représenter Dieu et d’ en faire une image est formulée dans Ex 20 et Deut 4 « Le Seigneur vous parla du milieu du feu ; vous avez entendu le son des paroles, mais vous n’ avez pas vu d’ image, vous n’ avez entendu qu’ une voix » et le Seigneur interdit de faire Son image car Il est invisible : ni le peuple, ni Moïse n’ avaient vu aucune image de Dieu : ils avaient seulement entendu sa Parole.
N’ ayant pas vu Dieu, ils ne pouvaient pas le représenter, ils pouvaient seulement fixer la Parole de Dieu – ce que fit Moïse.
St Jean Damascène qui fut au 8ème siècle le grand défenseur des icônes contre les iconoclastes écrit dans son traité sur les icônes : « Les Paroles du Seigneur : vous n’ avez pas vu d’ image, n’en faites donc pas – veulent dire : ne faites pas d’ image de Dieu tant que vous ne l’ avez pas vu »
Il ne pouvait pas y avoir d’ image dans l’ AT ( mais seulement des préfigurations comme le Tabernacle) car dit St Jean Damascène « la loi n’ était pas une image mais un mur qui cachait l’ image »
L’ interdiction de toute image de Dieu ou de créature avait pour but d’ empêcher le peuple élu d’ adorer la créature à la place du Créateur ( voir le veau d’ or) ; dans l’ AT la confession du vrai Dieu et l’ absence de Son image étaient une des conditions essentielles pour que le peuple puisse entrer dans la terre promise et la posséder et cette terre promise est la préfiguration de l’ Eglise, du Royaume de Dieu et toute cette longue histoire sacrée du peuple d’ Israël apparaît comme une étape providentielle et messianique, comme une préparation de l’ apparition sur terre du Dieu-homme, de la véritable image du Dieu invisible : Jésus-Christ.
Le Dieu invisible est devenu visible : dans Mat 13, le Seigneur, cad le même Dieu qui avait parlé dans l’ AT dit a ses apôtres « Heureux sont vos yeux parce qu’ils voient et vos oreilles parce qu’elles entendent – Je vous le dis, en vérité, beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez et ne l’ ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ ont pas entendu » : les apôtres et à travers eux tous leurs successeurs avaient enfin la grâce de voir et d’ entendre Dieu incarné : on peut donc dire que le trait distinctif du NT est le lien étroit entre la Parole et l’ Image.
Ce que l’ homme voit et ce qu’ il entend sont désormais inséparables : la révélation du Royaume de Dieu à venir est donnée à Dieu par la Parole et par l’ Image, par le Fils de Dieu incarné.
2ème méditation : De la même façon, dans notre vie quotidienne, notre parole et notre regard sont ils unis ? notre écoute et notre regard sont-ils inséparables, notre pensée même et notre regard devraient être unis et cette union ne peux vraiment se faire que dans le cœur, là ou Dieu repose
St Jean l’ Evangéliste exprime ce lien entre la vue et l’ écoute avec une grande force dans sa 1ère épître « Ce qui était dés le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux et ce que nos mains ont touché…
St Jean, ici rajoute un 3ème sens le toucher pour la révélation et l’ enseignement du Christ et nous pouvons rajouter le goût ( goûtez et voyez combien le Seigneur est doux, quand nous communions), mais aussi la bonne odeur de Sainteté souvent évoquée – montrant ainsi que nos sens visibles peuvent être des portes d’ accès vers le monde invisible, vers le Royaume ( 3ème méditation : utiliser nos sens pour aller plus loin )
Et nous, les successeurs de St Jean l’ Evangéliste, nous entendons les paroles du Christ et notre âme est sanctifiée en les entendant ; de même par l’ intermédiaire de Son Image, nous contemplons le Seigneur, Ses actes, Ses miracles, Sa passion et cette contemplation sanctifie notre vue et notre âme et nous conduit à la contemplation de la Gloire de Dieu.
Cet enseignement fait partie de l’ essence même du Christianisme, comme l’ enseignement sur les deux natures en Christ ou la vénération de la Vierge Marie.
On peut affirmer pour conclure ce paragraphe qu’il n’ y a pas contradiction, ni rupture avec l’ AT, mais au contraire son accomplissement car l’ existence de l’ Image dans le NT est impliquée par son interdiction dans l’ AT, c’est la conséquence, l’ aboutissement.
L’ ancêtre de l’ image chrétienne n’est pas l’ idole païenne comme on le pense parfois, mais l’ absence d’ image, tout comme l’ ancêtre de l’ Eglise n’est pas le monde païen, mais l’ antique Israël, le peuple élu par Dieu pour accueillir la révélation.
- Les premières icônes du Christ et de la Vierge Marie
La tradition de l’ Eglise affirme que la 1ère icône du Christ apparut pendant sa vie terrestre : c’est l’ image qu’ on appelle en Occident « la Sainte Face » et dans l’ Eglise Orthodoxe « l’ Image non faite par la main de l’ homme – le mandylion ».
C’est l’ histoire du roi Agbar, roi d’ Edesse, qui était lépreux et envoya auprès du Christ son serviteur Hannan avec une lettre demandant au Christ de venir à Edesse et de le guérir et le Christ demanda de l’ eau, se lava et essuya son visage avec un linge et ses traits restèrent fixés sur ce linge qu’ il remit à Hannan, en promettant que le roi serait guéri.
L’ histoire de ce linge est longue, mais au fil du temps des icônes reproduisant cette Sainte Face ont été faites sur ce modèle.
Un auteur du 6ème siècle mentionne la vénération de ce portrait « icône faite par Dieu » comme le trésor le plus précieux de la ville d’ Edesse et ce mandylion était connu et vénéré dans tout l’ Orient.
Ce mandylion a été transféré, avec beaucoup de festivités, d’ Edesse à Constantinople en 944 et une fête continue à être célébrée chaque 16 Août « transfert du Saint linge d’ Edesse à Constantinople » Ce mandylion a disparu lors du sac de Constantinople par les Croisés en 1204.
Il existe en France une icône de la Sainte Face conservée dans la Cathédrale de Laon ; cette icône remonte au 12ème siècle et serait d’ origine Serbe et aurait été envoyée de Rome en France en 1249. ; il semble que cette icône est une reproduction du Saint linge d’ Edesse.
On connaît par ailleurs la tradition du linge de Véronique qui essuya le visage du Christ et celle du St Suaire de Turin, mais avec beaucoup moins de précisions historiques.
L’ historien Eusèbe de Césarée affirme avoir vu lui-même des portraits du Christ et des apôtres, dont une célèbre statue du Christ élevée par l’ hémoroïsse guérie par le Christ ( Mt 9, Mc 5 ).
En même temps que ces premières icônes du Christ qui apparaissent, icônes reproduisant les traits de Dieu devenu homme, l’ icône de la Mère de Dieu apparaît.
La tradition orthodoxe attribue les premières icônes de la Mère de Dieu à l’ Evangéliste St Luc qui aurait peint 3 icônes de la Vierge après la Pentecôte :
- l’ une appartenant au type « Eléousa » ( oumilénié en Russe ) – vierge de tendresse – , icône exprimant l’ amour et la tendresse maternelle et en même temps une conscience de la souffrance à venir ; une icône célèbre de ce type est ND de Vladimir
- l’ autre appartenant au type « Odégétria ( Odigitria ) – Celle qui conduit sur le chemin – ou la Vierge et l’ Enfant sont représentés de face, tournés vers le spectateur et soulignant particulièrement la Divinité de l’ Enfant
- une troisième icône représente la Vierge en prière sans l’ Enfant
L’ icône de la Mère de Dieu représente le 1er être humain qui réalise le but de l’ Incarnation : la déification de l’ homme ; l’ Eglise orthodoxe affirme le lien de la Vierge avec l’ humanité déchue et en même temps elle affirme l’ ultime degré de Sainteté acquis et reçu par la Vierge Marie, ce qui explique sa vénération tout à fait exceptionnelle : la Vierge se trouve dés maintenant dans le Royaume dont l’ Eglise attend la venue avec le second avènement du Christ.
Marie a été proclamée par le 4ème concile œcuménique à Ephèse en 431 « véritablement Mère de Dieu – Théotokos et c’est ce qui explique la quantité et la variété d’ icônes de Marie et l’ intensité de Sa vénération : il y a actuellement dans le monde 31 icônes de la Vierge attribuées à St Luc ou à des reproductions des originaux de St Luc, dont 10 en Russie, 13 au Mont Athos et 8 à Rome.
Actuellement, dans le calendrier russe, il y a 260 icônes de la Vierge signalées par des miracles et fêtées liturgiquement, ceci traduit la place et la vénération de la Vierge.
Pour finir ce paragraphe, je cite un hymne d’ une fête de l’ icône de Marie : « De même que lorsque tu as conçu Dieu, Tu chantas – a présent toutes les générations me diront bienheureuse – de même en regardant l’ icône, Tu dis avec autorité – Ma grâce et Ma force sont avec cette image – et nous croyons que Tu as dit cela notre Souveraine et que Tu es avec nous par cette image ».
4ème méditation : Est ce que nous croyons que le Christ, la Vierge Marie ou un Saint peuvent communiquer leur grâce à travers la présence et la vénération d’ une icône les représentant ?
- L’ art chrétien des premiers siècles
L’ art chrétien dans les peintures et sculptures des catacombes et sarcophages des premiers siècles utilise souvent des symboles comme le Bon Pasteur, l’ agneau, le cep et les sarments, le poisson ; on pourrait détailler chaque symbole, soulignons le poisson symbole important souvent représenté qui symbolise le Christ mais aussi l’ eau du baptême et aussi la communion eucharistique – le nom du poisson Ichtus dont les initiales signifient Jésus-Christ Fils de Dieu Sauveur –
Toutes ces images font référence à de nombreux enseignements et paraboles du NT et permettent un enseignement progressif de la foi et une préparation au baptême.
La Vierge, contrairement au Christ, n’ est jamais représentée en symbole mais directement, souvent seule les bras élevés en orante, soulignant son rôle de médiatrice auprès de Dieu pour l’ Eglise et pour le monde ; elle est aussi représentée plusieurs fois assise tenant son Enfant sur les genoux et recevant avec son Fils l’ adoration des mages, ainsi que d’ autres fois entourée des apôtres Pierre et Paul ou de sa mère Ste Anne.
Puis on trouve aussi des images des apôtres, des prophètes, des martyrs, des anges… toute la variété de l’ iconographie chrétienne est déjà présente ; le langage artistique chrétien est en voie de formation, il peut utiliser des symboles païens ou du monde antique mais il les emplit d’ un contenu nouveau : une image nouvelle apparaît progressivement avec l’ apparition de l’ homme nouveau – l’ art des catacombes est surtout un art qui enseigne la foi et qui s’ oppose au paganisme et aux hérésies.
Cet art exprime avant tout l’ enseignement de l’ Eglise et correspond aux textes sacrés ; son but n’est pas de refléter ou d’ exprimer la vie quotidienne, on ne trouve pas de scènes de la vie courante ou même des persécutions : l’ essentiel de la réponse apportée par cet art naissant, c’est l’ état de prière que cet art communique au spectateur.
Dans les catacombes de Rome, on trouve une multitude d’ orantes qui personnifient la prière ou l’ Eglise en prière ; les images transmettent l’ enseignement sur le salut.
Autre caractéristique de cet art chrétien des premiers siècles : l’ image est réduite à un minimum de détails et a un maximum d’ expression ; cette sobriété est en correspondance avec la sobriété de l’ Evangile, l’image, comme l’ icône aujourd’hui ne montre que l’ essentiel et l’ artiste, qui reste anonyme, renonce à toute recherche de jouissance esthétique et à toute représentation naturaliste mais cherche avant tout à suggérer le monde spirituel. Les personnages sont toujours représentés de face et s’ adressent à celui qui les regarde et lui communiquent leur état intérieur qui est celui de la prière.
5ème méditation : C’est le moment de poser la question pour chacun : qu’est ce que les images qui m’ entourent ou que je rencontre m’ apportent au plan spirituel ? Est ce que mon œil et derrière mon œil, mon cœur recherchent une nourriture spirituelle à travers les images et de ce fait se détournent de certaines images ? quelle est ma vigilance intérieure dans l’ utilisation de mon regard ?
Pour conclure ce paragraphe sur l’ art des trois premiers siècles chrétiens, nous voyons qu’ il s’ agit d’ un langage, d’ une instruction religieuse ; on peut parler d’ un art dogmatique et liturgique car il montrait et enseignait le mystère de la révélation chrétienne et s’ était développé dans les lieux de célébration et de prière.
Ces bases théologiques restent les mêmes jusqu’ à nos jours ; simplement les différentes périodes qui vont suivre ces trois premiers siècles vont marquer leur empreinte culturelle sur l’ art de l’ icône sans qu’ il perde ces bases initiales.
- L’ art sacré entre le 4ème siècle et le 6ème siècle
A partir du 4ème siècle, l’ Eglise, avec la conversion de l’ empereur Constantin, sort de sa réclusion forcée ; l’ afflux des nouveaux convertis exige des lieux de culte plus vastes et nombreux et donc une prédication plus directe : on sort des symboles pour le petit cercle des initiés et les églises sont peintes entièrement avec les événements de l’ AT et du NT.
C’est entre le 4ème et le 6ème siècle que sont fixées les principales fêtes de l’ Eglise, ainsi que les principales affirmations théologiques comme le Credo, face aux hérésies, car le monde qui entrait dans l’ Eglise apportait tous ses doutes, ses incompréhensions, ses inquiétudes et ce sera une période de nombreuses hérésies mais aussi d’ une extraordinaire vie intérieure chrétienne manifestée par de grands théologiens et de grands ascètes comme St Basile le Grand, St Grégoire le Théologien, St Jean Chrysostome, St Grégoire de Nysse, St Antoine le grand, St Macaire d’ Egypte, etc…
L’ empire devient chrétien, mais en même temps, c’est aussi la période ou les déserts d’ Egypte et de Palestine se couvrent de monastères, ou les moines arrivent par milliers, fuyant le bien-être et le prestige de la société et l’ art sacré va chercher autant la théologie théorique que l’ expérience vivante de ces ascètes et de ces Pères de la foi.
St Basile le Grand attribuait à la peinture chrétienne une force de conviction plus grande qu’ à ses propres paroles et St Paulin évêque de Nole ( +431 ) voyait que les images attiraient bien plus que les livres Saints, c’est pourquoi il s’ efforçait d’ avoir beaucoup d’ images sacrées dans ses églises.
Ainsi nous voyons que l’ Eglise s’ efforçait de diriger tous les sens humains, y compris la vue, vers la connaissance et la glorification de Dieu.
Un prince chrétien disait à ses serviteurs « lorsqu’ arrivent des étrangers non chrétiens, faites les entrer dans l’ église afin qu’ ils voient le vrai christianisme et se fassent baptiser ».
Nous voyons que de tout temps, l’ Eglise attribue à l’ image, une grande importance, mais ce n’est pas sa valeur artistique ou esthétique qu’ elle apprécie : c’est sa valeur de prédication
6ème méditation : est ce que nous percevons ici qu’ une séparation va se produire, après le 11ème siècle, entre Orient et Occident sur ce critère, l’ Occident allant développer de plus en plus la valeur artistique de l’ image et l’ Orient considérant jusqu’ à nos jours que l’ image constitue une véritable confession de la foi chrétienne.
A partir du 4ème siècle, l’ Eglise utilisera aussi l’ icône pour lutter contre les hérésies : par exemple, en réaction à l’ hérésie d’ Arius qui voyait dans le Christ, non pas Dieu mais une créature, l’ Eglise aux deux côtés de l’ image du Christ inscrira les lettres alpha et oméga, allusion aux paroles de l’ Apocalypse, afin de mieux souligner la Divinité du Christ.
En réaction à l’ hérésie Nestorienne qui refusait l’ union en Christ des natures humaines et divines et qui reniait par conséquent la maternité Divine de la Vierge, le concile d’ Ephèse en 431 a donné solennellement à la Vierge Marie le nom de Théotokos ( Mère de Dieu ) et les icônes montrent des représentations solennelles de la Vierge trônant avec l’ Enfant Divin sur ses genoux et des anges à ses côtés.
C’est l’ Eglise de Constantinople qui, située au point de jonction de l’ Europe et de l’ Asie, a eu pour rôle d’ absorber les éléments de l’ art grec, syrien, égyptien et romain et de forger progressivement ce que nous appelons, dés le 6ème siècle, l’ art byzantin qui répond aux exigences de l’ enseignement chrétien de chaque époque, un art qui reflète, sur terre, le Royaume de Dieu et qui accompagne les fidèles dans toute leur vie, comme une parcelle de l’ Eglise dans le monde.
Cette période se terminera par le Concile Quinisexte ( 6ème concile œcuménique ) ouvert en 692 qui met par écrit les bases dogmatiques, la tradition de l’ enseignement de l’ Eglise par l’ image.
Puis viendra l’ invasion musulmane des territoires chrétiens de l’ Empire comme la Syrie, l’ Egypte ou la Palestine, puis viendra la période iconoclaste de persécutions de 730 à 842 qui se terminera par le Concile de Constantinople en 842 où est confirmé définitivement le dogme de la vénération des icônes et est instituée la fête du triomphe de l’ Orthodoxie où on célèbre la vénération des icônes à chaque 1er Dimanche de Carême.
Pour conclure ce paragraphe, citons St Jean Damascène qui écrivait aux iconoclastes : « Je n’ adore pas la matière, mais j’ adore le Créateur de la matière qui est devenu matière à cause de moi, qui a voulu habiter la matière et qui, par la matière, a fait mon salut – Tout comme Dieu peut manifester Sa puissance et Sa grâce par l’ image de la Croix ou d’ autres objets sacrés, Dieu peut manifester Sa Présence par l’ image de l’ icône qui reçoit le nom du Christ, de la Vierge Marie ou des Saints »
L’ icône représente non la chair corruptible destinée à la décomposition mais la chair transfigurée, illuminée par la grâce, la chair du siècle à venir ( 1 Co,15) ; l’ icône transmets par des moyens matériels, visibles aux yeux charnels, la beauté et la Gloire Divine. L’ icône ne représente pas la Divinité, elle indique et montre la participation de l’ homme à la vie Divine.
Dans une deuxième partie, nous verrons comment, on peint les icônes, comment on les vénère, l’ histoire de l’ icône du 7ème siècle à nos jours et évoquerons de nouveau le sens, le contenu et l’ utilisation de l’ icône.
Père Gilbert DEPRUGNEY